samedi 25 février 2012

Atelier d'écriture : exemple de ratage!

La contrainte des vingt minutes est là pour obliger les participants à concentrer leur narration sur les détails essentiels... Ce n'est pas pour ça qu'ils le font :) Et voilà comment Kalys commence un texte sans jamais le finir, sur une consigne pourtant imaginée par elle.

Thème imposé : un magasin de jouets, une boîte de jeu intrigante, un gamin rentre, un bonhomme derrière le comptoir.

 *

Sylvain passait tous les matins, et tous les soirs, devant le magasin de jouet, parce que celui-ci se trouvait sur le trajet qui séparait l'école de la maison. A chaque fois, le petit garçon s'arrêtait devant la vitrine, même si ce n'était que pour une poignée de secondes. Il aimait particulièrement regarder le bateau pirate, avec ses canons en plastique qui tiraient de vrais boulets, à au moins vingt centimètres. Il le savait, puisque son copain Nicolas en avait un exemplaire. Il y avait aussi un tigre en peluche, que Sylvain se figurait être à taille réelle, et un étalage de jeux de société – mais comme il était fils unique, il ne pouvait qu'imaginer comment on y jouait. Tous les jours, il jetait au moins un coup d’œil, et repartait d'un pas plus léger, comme si envisager toutes les histoires qu'il pourrait créer avec ces jouets suffisait.

Ce soir-là, il faisait gris, mais pas trop froid, et Sylvain traînait des pieds parce que ses parents s'étaient disputés la veille, et qu'il n'avait pas très envie de rentrer à la maison. Arrivé devant la boutique, il s'immobilisa. On avait changé le contenu de la vitrine. Au milieu, trônait une grande boîte, autour de laquelle poupées et robots Transformers semblaient monter la garde. Le regard de Sylvain était tout naturellement aiguillé vers cette boîte. Sur la couverture, on pouvait lire : « Seul ou à plusieurs, défiez le dragon et remportez le trésor ». L'illustration montrait un groupe d'aventuriers se mesurant audit dragon. Sylvain sut tout de suite qu'il lui fallait absolument ce jeu, qui lui promettait des aventures épiques en solitaire. Ce serait plus marrant que de jouer tout seul aux Playmobil, c'était certain. Seulement, il savait aussi que pour convaincre ses parents, il faudrait qu'il connaisse le prix, et que celui-ci soit abordable.

Il n'était jamais rentré dans le magasin et avait un peu peur. Il n'y avait jamais personne dedans, ou alors des filles venues avec leur mère acheter des poupées, et toute cette féminité avec ses petits regards aigus et ses histoires incompréhensibles l'intimidaient. Il s'approcha toutefois, en mettant ses mains en coupe pour distinguer l'intérieur plongé dans la pénombre. C'était peut-être fermé. Les hautes étagères bardées de jouets paraissaient un peu menaçantes, comme des remparts du haut desquels tout ce petit monde l'observait. Il y avait au fond une alcôve un peu mieux éclairée, mais sinon, l'endroit paraissait désert. Une silhouette passa devant la porte et Sylvain sursauta. Puis la porte s'ouvrit, et un homme se pencha devant lui : « Alors, tu rentres ? » Le propriétaire se redressa, évoquant à Sylvain un serpent qui se déplie, et lui tint la porte ouverte.

vendredi 24 février 2012

Atelier d'écriture : qu'y fait-on?

Les Chemins de Traverse sont d'abord une association d'écriture. Preuve par l'exemple, avec cet extrait de la session du 12 janvier 2012.
Consigne : thème imposé par une série de mots tirés au hasard. Contrainte stylistique : procéder à une mise en abyme. Temps : vingt minutes.
Ce texte est l’œuvre de Clémence, qui en demeure entièrement propriétaire!

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Garibaldi se leva ce matin là comme à son habitude lorsque les aiguilles de la grande horloge indiquèrent 06h15. Comme la plupart des centenaires, il avait le sommeil léger afin je pense de ne pas se laisser surprendre par la mort.
A son âge la seule activité qui le passionnait encore était de lire le journal. Il passait se journées à déchiffrer les petits caractères de son quotidien. Après avoir entièrement lu les nouvelles locales il déjeunait tranquillement. Le reste de l’après-midi était consacrée à la rubrique des chiens écrasés, aux colonnes humoristiques, aux jeux et bien sûr aux nécrologies. Lorsqu'il attaquait ces dernières pages il se préparait toujours un thé au citron accompagné d'un petit beurre. Contrairement aux autres personnes, Garibaldi aimait véritablement cette rubrique car les gens dépeins y étaient toujours sous leur plus beau jour.
Cette après-midi là, comme toutes les autres il entama sa lecture en croquant l'une des oreilles des son petit beurre. Il lu le premier article mais une impression étrange lui imposa une seconde lecture cette fois plus lente : "Garibaldi se leva ce matin là comme à son habitude lorsque les aiguilles de la grande horloge indiquèrent 06h15 ..." malgré son âge avancé il avait encore toute sa tête et il dut se rendre à l'évidence que cet article, avec ses très nombreux détails, parlait bien de lui. Il se dit alors que ce devait être une farce, manigancée par des amis qui connaissaient son goût pour la rubrique, sa réaction fût alors d'éclater de rire, d'un rire heureux et plein d'entrain. C'est ainsi que notre lecteur le plus dévoué nous a quitté.

jeudi 23 février 2012

Critiques ciné : Endhiran et Hideaways

Aux Utopiales, Clémence se fait reporter pour les Chemins de Traverse, et visionne pour nous de bien curieux films...

En ce vendredi 11 novembre, premier soir d'Utopiales 2011, Juliette et moi avons décidé de nous rendre à l'une des nombreuses séances de cinéma du festival. En feuilletant les pages du programme, nous sommes tombées sur Endhiran – Robot, the Movie de S. Shankar, avec deux immenses stars Rajinikanth et Aishwarya Rai. Le résumé a attiré notre attention: « Le professeur Vaseegaran dédie sa vie à la construction d'un robot d'apparence humaine, doté d'une intelligence et d'une force hors norme mais dénué de sentiments. Tel un nouveau né il va découvrir le monde qui l'entoure et va commettre des erreurs de jugements. »

Endhiran
Ce film date de 2010 et a battu tous les records d'entrées au box office indien. Parmi la foule qui grandissait devant la salle Dune, au sous-sol du Palais des Congrès, il y eu une sorte de mouvement de panique environ 10 min avant l'entrée dans la salle : le film en langue talmud était sous-titré en anglais, et durait 3 heures. Ces détails ont poussés certaines personnes à sortir de la file d'attente, mais pour notre part, nous avons gardé notre sang-froid et décidé de continuer pour voir cet ovni du cinéma.

Alors que nous étions, dans un premier temps, plutôt dubitatives, le film a su nous mettre à l'aise avec son style décalé. Effets spéciaux grandiloquents, dialogues mièvres, références directes au cinéma occidental (Terminator et Matrix notamment !), scènes chantées et dansées dans la plus pure tradition bollywoodienne et histoire à rebondissement se côtoient dans une parfaite harmonie délirante et ne peuvent laisser indifférent.

Certains diront que le film n'apporte rien à l'histoire de la science-fiction, ce sera peut-être vrai mais il n'en reste pas moins le tout premier film de science fiction indien à gros budget et une véritable réussite. Un film à voir entre amis au moins une fois et à revoir les jours pluie pour se donner la pêche!


Samedi, après avoir passé une grande partie de notre journée à boire du thé vert, manger des madeleines et chasser les nombreux festivaliers déguisés, Juliette et moi avons décidé de nous accorder une petite pause cinématographique. Notre choix s'est porté sur Hideaways de la réalisatrice française Agnès Merlet.

Hideaways
« Dans la famille Furlong, l'aîné de chaque génération est doté d'un pouvoir extraordinaire, pour le meilleur ou pour le pire. James, dernier de cette lignée, découvre la nature du sien lors d'un accident qui cause la mort de son père et de sa grand-mère.» 
L'enfant va grandir avec ce pouvoir qu'il tente de cacher en vivant au fond de la forêt et sera découvert par une jeune fille révoltée qui pense n'avoir plus rien à perdre.

Ce film m'a laissé impression d'un joli poème sans prétention, bien tourné, élégant et juste, sublimé par le décor naturel de l'Irelande où il a été tourné. A découvrir sans hésitations!

mercredi 22 février 2012

Interview : Fabien Clavel

Il y a quelques mois aux Utopiales, les Chemins de Traverse ont rencontré Fabien Clavel pour une petite interview, portant principalement sur Homo Vampiris. Le hasard nous a permis de la réaliser en collaboration avec Ceridwen pour Wikinews, chez qui vous pouvez lire la version complète.

(Nous avons reformulé nos questions - oral et écrit sont deux choses différentes :))

Comment aborde-t-on cette idée un peu galvaudée du vampire? Je te sais fan de Buffy  : qu’y as-tu trouvé d’inspirant et d’enrichissant pour le mythe du vampire ?

En fait  — pour répondre d’abord à la dernière question —, quand j’ai regardé Buffy, je connaissais très très peu les vampires. Mon modèle, c’est Buffy, je n’ai pas d’attraction particulière pour le vampire. Par exemple, Dracula, ce n’est pas un personnage qui me fascine, c’était vraiment la façon dont la série était construite, avec ce mélange de second degré et de thèmes très sérieux, très profonds, où justement il était allé au-delà aussi du vampire comme métaphore de l’adolescence, où vraiment toute la série, les sept saisons, sont construites dans Buffy comme une métaphore du passage à l’âge adulte. C’est pas juste « Je suis ado, je suis plein d’hormones, et ça va pas », c’est vraiment « je deviens adulte », et on voit les personnages trouver des métiers en cours de route. C’est ça qui m’intéressait vraiment. Surtout que moi, je l’ai regardé à l’âge où j’étais en train de devenir adulte ; je regardais ça, j’avais 18 ans, donc c’était vraiment pile au bon moment. Voilà ce que j’ai trouvé dans Buffy.

Ce que j’ai trouvé aussi, c’est ce côté second degré, passer de l’humour où on va vraiment rigoler, à des moments beaucoup plus tragiques, toute la richesse des histoires, etc. Buffy vraiment, c’est une source inépuisable de plaisirs et d’inspiration, parce qu’ils ont traité énormément de thèmes. Moi j’ai regardé la série cinq fois en intégrale, je pense que je vais la regarder encore, là je suis en train de finir la saison 5 d’Angel que j’ai vu aussi deux ou trois fois, donc ça c’est vraiment super, c’est un plaisir à chaque fois, et je trouve toujours de nouvelles choses.

Ce que j’aime aussi, au niveau de la construction narrative, c’est que c’est une série qui fait très attention à ce qu’elle raconte. C’est-à-dire que dès qu’il y a un élément qui est posé pour un personnage, on le suit. Donc ils ne l’ont pas posé au hasard, bien sûr, et on le réutilise. Et même trois, quatre, cinq épisodes plus tard, voire une saison plus tard, on va reprendre des éléments d’autres saisons. Rien n’est gratuit. C’est ça que j’ai aimé, c’était relativement rare dans les autres séries. J’ai bien aimé cette cohérence narrative.

Pour revenir à la première question, dans Buffy, ils ont fait quelque chose d’assez classique au départ, à part le côté « transformation en monstre », mais qui montre bien la dualité. Justement, moi j’ai pris ça un peu comme un défi. Dans Homo Vampiris, mon idée était de l’aborder de façon SF, c’est-à-dire de trouver une explication pseudo-scientifique — parce qu’à mon avis elle tient pas la route pour des vrais scientifiques —, en définissant le vampire comme un parasite. Il est lui-même investi par un parasite, qui le transforme physiquement, et qui lui donne ses capacités. Je l’ai projeté dans l’avenir, dans un monde où les problèmes écologiques sont importants, et le vampire était effectivement une métaphore de ce parasitisme, qui renvoyait au parasitisme humain qui est en train de pomper les ressources, et notamment le pétrole. Il y a beaucoup de passages dans le roman qui font des parallélismes entre justement l’exploitation du pétrole et le vampire qui suce le sang. Ce qui m’amusait moi, c’était de faire un renversement où les vampires, au lieu d’être des chasseurs ignobles, étaient eux-mêmes chassés, puisqu’ils étaient pris pour cibles par des — comment dire — des croyants millénaristes, qui voyaient dans les vampires des symptômes de la fin du monde, et qu’il fallait s’en débarrasser pour le combat pour les âmes. Ce sont tous ces éléments qui m’ont intéressés.

 Et il me semblait qu’un peu comme ça, je pouvais renouveler modestement l’approche du vampire, sachant que cela avait déjà été fait — dans Je suis une légende, on a déjà une approche scientifique, ça a dû être fait aussi à d’autres moments, mais bon — j’avais voulu donner cette approche là. Et au moment où le roman est sorti, on m’a dit « tiens, c’est de la bit lit ». Et dans mon esprit ça n’en était pas du tout. Donc je me suis dit après « tiens, je vais en faire de la bit lit » pour montrer ce que c’est, d'autant qu'un des buts que je me suis donné, c’est d’explorer tous les genres et sous-genres des littératures de l’imaginaire. J’ai une idée qui m’est venue, et là j’ai complètement changé ma mythologie vampirique.

Je suis parti sur le motif du miroir — d’où le titre, Le Miroir aux vampires [Fabien Clavel évoque ici le premier tome d'un récit pour la jeunesse, où s'affrontent vampires et stryges]. Je me suis aperçu que le miroir était très peu utilisé ; que c’était un motif qui revenait tout le temps, mais que personne n’avait développé à ma connaissance. Donc là, les vampires sont des créature plus ou moins magiques, ils sont moins morts-vivants — parce que le côté mort-vivant ne m’intéresse pas spécialement —, plus des créatures ophidiennes, et j’ai tout développé autour de ça.

Et cette fois par contre, j’ai respecté les règles de la bit lit : une héroïne adolescente ou en fin d’adolescence, qui raconte à la première personne dans ce qui ressemble à un journal intime, avec une romance — évidemment j’ai essayé de détourner un peu son fonctionnement habituel… Mais voilà, j’ai respecté les règles en faisant ma propre petite sauce de mon côté.

Homo Vampiris ne respecte pas tant que ça les règles...

Homo Vampiris beaucoup moins en effet. Mais avec lui j’avais vraiment envie de m’amuser, je voulais faire du thriller qui parte dans tous les coins, et donner surtout des pouvoirs différents aux vampires. C’est le côté rôliste… J’ai très peu joué à Vampire : la Mascarade, par exemple, mais j’ai retenu des jeux de rôle certains aspects narratifs : on a un groupe de joueurs avec chacun des caractéristiques différentes, et le groupe se complète. J’ai relié ça à mon explication de départ, où les pouvoirs sont en rapport avec le sang ; par exemple, le pouvoir de télékinésie, c’est un pouvoir qui est en rapport avec l’utilisation du fer présent dans le sang — même si, à mon avis, d’un point de vue scientifique, c’est indéfendable — mais… c’est rigolo, voilà. Dans ces cas là, il y a quand même une suspension de l’incrédulité…

Tu évoquais tout à l’heure le contexte politique et écologique de ce livre. Qu’est-ce que l’imaginaire peut apporter à ces thématiques ?

Je fais de l’imaginaire, je ne fais pas des romans réalistes, justement parce que je ne veux pas coller au réel. Ce que j’aime aussi dans une série comme Buffy, c’est qu’elle parle de problèmes quotidiens, mais toujours sous une forme détachée, c’est-à-dire que ça passe par le prisme de l’imaginaire. Un peu comme les contes nous parlent des relations familiales, nous parlent de choses parfois très difficiles, mais les petits enfants peuvent l’écouter, parce qu'eux ressentent plus ou moins la signification du conte, sans que ce soit traumatisant.
Pour moi, la littérature de l’imaginaire, c’est un peu la même chose : on peut parler de sujets très durs, de l’exploitation de la nature et de peut-être, à terme, la disparition de l’homme. D'après moi, ce sera mieux accepté si on le fait comme ça, ça permet non pas de délivrer des messages, mais de fantasmer un peu ces problèmes. Il y a un effet cathartique, où soi-même en l’imaginant, en lui donnant une forme narrative, on va pouvoir le considérer plus acceptable, en tous cas supportable. Et peut-être que le lecteur, en le lisant, va se poser des questions qu’il ne se posait pas avant. C’est un peu l’idée.

Je termine avec cette question : dans Homo Vampiris, on dépasse l’aventure particulière de Nina, il y a quelque chose qui traverse le temps. Crois-tu qu’il existe une transcendance ? Si oui, est-ce que tu penses qu’elle n’est pas dans l’humain ? Je me dis que finalement, ce qu’on cherche dans les vampires ou les super-héros, c’est justement un accès, une marche vers le divin…

L'un des thèmes constants de mon travail, c’est justement l’absence de divin. Tout est construit autour de ça, et de voir comment les hommes s’arrangent avec ça. J’ai conçu mes vampires comme des personnages qui s’opposent à la religion ; c’est pour ça qu’ils sont poursuivis par des religieux.
Pourquoi ? Parce qu’à partir du moment où ces êtres sont immortels, ils ne craignent plus vraiment la mort, ils n’ont plus besoin de la religion, qui apparait comme la consolatrice. Donc ils apparaissent pour les religieux comme l’antithèse de ce qu’ils sont, c'est pourquoi ils veulent les faire disparaitre. Ça, c’est la première idée.

Une fois que la peur de la mort a été éliminée, la religion est impossible, il n’y a pas besoin de dieu puisque on est tout seul, et en plus — c’est là que ça devient problématique, parce que pour moi c’est pas vraiment grave que l’on se passe de dieu, ça me semblerait plutôt une bonne chose —, pour eux, toute sublimation devient impossible, puisque — tel que c’est expliqué dans le livre —, c’est la peur de la mort qui pousse à pratiquer les arts, à s’engager politiquement, etc. Tous les vampires qui sont là, ils pratiquent tous plus ou moins un art, et ils échouent.
Vous avez, alors — j’ai oublié le nom de mes propres personnages —, celui qui est cuisinier, il le dit à un moment, il dit qu’il fait semblant, car il ne ressent plus vraiment les goûts...

C'est Marcus...

Marcus, merci, heureusement qu’il y a des gens qui ont lu le livre [rires].
Si on regarde Ashanti, lui, c’est un engagement politique, mais on sent qu’il n’y croit plus complètement. C’est la même chose avec la danseuse, qui s’appelle… je ne sais plus comment non plus, c’est pas très grave…

Fedora.

Fedora… ah, oui, d’accord… en plus c’est lié à Balzac… — la danseuse, c’est pareil, elle dit que quand elle danse, elle ne fait plus que répéter des gestes. 
C’est une idée qui m’est venue en regardant Angel, où on a dans la saison 4 si je me rappelle bien, la première apparition de Summer Glau — qui jouera après dans Firefly —, qui danse dans un théâtre et refait tous les soirs le même — car il y a un magicien qui l’y oblige — elle refait tous les soirs exactement le même spectacle. Fedora répète chaque jour le même spectacle, parce qu’elle n’arrive plus à faire mieux, elle répète mécaniquement quelque chose qu’elle ne ressent plus.

Tout était construit sur cette impossibilité de la sublimation. Et donc les vampires évidemment n’arrivent plus à être réellement humains, puisque en gros la sublimation c’est ce qui caractérise l’humain. Je me demande si je n’ai pas glissé une citation en cours de route — justement, le vampirisme, c’est la sublimation aussi, c’était vraiment mon postulat de départ dans le livre.

Du coup la transcendance, à chaque livre, elle est éliminée d’une manière ou d’une autre, ou en tous cas elle est problématique ; les hommes se débrouillent pour s’en débarrasser, ou luttent contre, ou on voit les problèmes que pose toute transcendance. Mais moi je reste vraiment du côté de l’humain. 

Pendant très longtemps dans mes premiers livres, je m’étais dit, je refuse de décrire le ciel, car je ne veux décrire que les trucs qui se passent au niveau du sol. Bon après j’ai laissé tomber, car c’était vraiment trop compliqué, et c’est toujours beau de décrire le ciel. Là, j’ai d’autres projets qui sont en route ; et à chaque fois, la figure de dieu va être soit éliminée, soit elle est absente, etc. C’est ce qu’on retrouve un peu dans une autre série qui est pour moi un peu dans la lignée de Buffy, en un peu moins bien, c’est Supernatural, où l’on retrouve ça quand il y a les anges qui apparaissent, à partir de la quatrième saison je crois. Les anges apparaissent, et ils se promènent, et justement on a le problème du dieu absent : personne n’a vu dieu depuis longtemps, personne ne sait où il est, personne ne sait sa volonté, et les anges se débrouillent comme ça. C’est un truc qui me parle moi, c’est un thème que j’aime, où, voilà : que fait l’homme sans Dieu ? et pour moi, il n’est pas forcément misérable, comme dirait Pascal — c’est pour frimer.

Un très grand merci à Fabien, et à Wiki, qui s'est chargé de la retranscription !