lundi 12 novembre 2012

De retour des Utopiales

Et voilà, c'est passé ! Cela a été un plaisir pour nous de couvrir cette 13ème édition, qui s'est avérée riche et intéressante comme à chaque fois. Le dossier paraîtra sur le site de l'asso d'ici début décembre, le temps pour nous de retranscrire les interviews de Lionel Davoust, Jérôme Noirez et Laurent Queyssi, de rédiger nos comptes-rendus de conférence, et de mettre en forme ce dossier spécial.
Un grand merci à l'équipe du festival, toujours aussi sympathique et compétente !
Pour patienter, je vous laisse découvrir la danse des robots Nao, qui étaient un peu les mascottes du festival cette année. À très bientôt !


lundi 5 novembre 2012

Les Chemins de Traverse aux Utopiales !

Chers Lecteurs de ce blog,

Comme tous les ans, l'asso sera présente au festival des Utopiales à Nantes, où nous ferons quelques interviews et vous rapporterons chroniques, comptes-rendus de tables rondes, et peut-être de joyeuses anecdotes. Tout cela fera l'objet d'un dossier spécial sur le site de l'asso. On a hâte d'y être !
À très bientôt !

PS : n'oubliez pas notre appel à textes en cours sur le même site !

dimanche 23 septembre 2012

Atelier d'écriture : le Maghreb

Les Chemins de Traverse vous proposent de consulter un compte-rendu d'atelier consacré au Maghreb, tout juste mis en ligne sur le site.

Parce qu'à trop parler d'écriture, il ne faudrait pas oublier de la pratiquer ;)

Pour accéder directement au compte-rendu, c'est par ici!

lundi 17 septembre 2012

Entretien avec l'équipe de l'Armoire aux Epices

Roanne, Oph, Chapardeuse, Emma et Nyna, de l'Armoire aux Epices, ont bien voulu répondre aux questions de Maloriel.

 Comme je vous l'annonçais tout à l'heure, c'est ici que ça se passe !

Réouverture d'Itinéraire-bis + Appel à textes

Le site de l'association rouvre ses portes, avec au programme les archives, une interview inédite (plus de détails tout à l'heure) et un appel à textes !

www.itineraire-bis-webzine.org

Presque deux an après la fermeture d'Itinéraire-bis suite à un gros problème informatique, le site est enfin de retour sur la toile. Les raisons de ce retard sont nombreuses.
Maloriel et moi avons dû réfléchir sérieusement à l'orientation que nous souhaitions donner à l'association. Nous avons – surtout Maloriel – animé un certain nombre d'ateliers d'écriture au cours des années, mais ce n'était pas la seule activité que nous envisagions. Or, le webzine n'a pas suscité l'adhésion de la plupart de nos membres. Gradlon, notre trésorier, est le seul à nous avoir accompagnées dans cette aventure¹.

Aujourd'hui, nous abandonnons – temporairement – la partie atelier de notre activité. Nous avons fini par éprouver une certaine lassitude à organiser ces événements, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas une très bonne chose !

Par ailleurs, nous aimerions surtout renforcer notre présence en tant que collectif littéraire. Nous sommes persuadées d'occuper une place à part dans le monde du livre, parce que nous n'appartenons ni à la littérature dite blanche² ni à la littérature « de genre ». Nous croyons que l'écriture, au même titre que les autres arts, ne doit pas se réduire aux classifications. L'attribution et l'évaluation des genres appartiennent aux chroniqueurs. Nous estimons qu'elles n'ont leur place ni dans le processus d'écriture, ni dans la critique.

Itinéraire-bis se veut le reflet de cet état d'esprit. Ainsi, le dossier en cours est consacré au Maghreb littéraire et musical³. En plus des articles, vous trouverez un entretien avec Kamal Benkirane, fondateur des éditions québécoises Passerelle, qui promeuvent la littérature maghrébine d'expression française.
Vous pourrez également lire une nouvelle de Sophie Dabat, Les jardins du désert, suivie d'une interview exclusive ! (et pas du tout datée ;))
N'hésitez pas non plus à consulter la rubrique Ustensiles de style, où vous pourrez relire les deux volets des Conseils d'écriture de Maloriel, ainsi qu'un article consacré à la manière de faire peur dans un texte.
Une partie des archives est de nouveau disponible : chroniques, rencontres et interviews glanées au fil des festivals. Je vous demanderai de bien vouloir excuser les coquilles encore nombreuses...

Enfin, nous lançons un appel à textes. Le thème : la ville. Modalités et détails, c'est par ici ! Nous espérons que vous serez nombreux à participer, afin de soutenir notre effort de conquête du web – et du monde :D
N'oubliez pas que vous pouvez venir discuter de cet AT sur le forum. Si vous avez besoin de précisions, des questions sur le format, que sais-je... Le forum a l'air mort, comme ça, mais c'est juste une apparence, donc vraiment, n'hésitez pas !

Kalys


¹ Qu'il en soit éternellement remercié :D
² Désigne la littérature généraliste, par opposition avec la littérature « de genre »
³ Certains d'entre vous l'ont peut-être déjà parcouru, puisqu'il a été brièvement en ligne il y a un an :)

vendredi 27 juillet 2012

Conseils d'écriture


         Ce titre est une arnaque.
L’article constitue en fait un désaveu partiel des « méthodes d’écriture ». Je pense que ça vous rassure, car qui suis-je pour donner des conseils d’écriture ? Personne, en effet !
En tout cas, en tant qu’écrivaine apprentie, c’est aussi un plaidoyer contre les « méthodes Coué de l’écriture » qui me tapent sur le système. Leur message : si vous voulez écrire, écrivez. Ensuite, il faut se répéter toute la journée qu’on peut le faire et se taper sur les doigts si l’on n’a pas écrit. Se persuader que tout travail mérite une récompense, en l’occurrence, un joli texte publié. Or, selon moi, travailler ne suffit pas. Ce n’est qu’une partie du processus. Écrire, c’est plus compliqué que ça. Et beaucoup plus simple, à la fois.

Comme beaucoup d’écrivains, j’ai envie de faire passer dans mon écriture les mêmes émotions que j’ai ressenties en lisant d’autres livres, ou en regardant des films. J’ai envie, moi aussi, d’écrire des grandes histoires, quelque chose de passionnant qui retourne, qui heurte, qui bouleverse. J’ai des modèles, des références, et quand j’écris, je me dis : je veux faire pareil.
Et d’ailleurs, la situation est un peu paradoxale : j’adore lire, et pourtant, peu de livres m’ont secouée et ouvert les yeux comme les films et les séries. Peu ont atteint cette perfection. Pourquoi ? La faute au média ? Je refuse de le croire. Non, la faute au manque d’ambition. Point. Les discours sur « je ne suis qu’un artisan », c’est bien beau, mais ce n’est pas en bricolant qu’on parvient à ces moments où le temps se suspend, où l’on a des frissons partout, et tout est juste parfait. Je pense que tout le monde a pu vivre ça grâce à des œuvres d’art, et quand ça arrive, on se dit que l’œuvre a atteint son but.
Ce sont ces moments-là qui comptent. Tout le reste n’est que de l’emballage ou plutôt, il sert à nous y mener, à nous y préparer, à nous le révéler. Tout le reste est de la mise en place. Cela dit, si on passe trop vite sur ce travail, qui constitue en fait l’essentiel de l’œuvre, on oublie que ce moment n’arrivera pas si on ne prépare pas la voie, si on ne l’amène pas au fil des pages. En construisant l’histoire, la situation qui va provoquer ce moment extrême, en creusant sans trêve la psychologie des personnages pour qu’ils aient complètement pris la situation en main, qu’ils se soient emparés du cerveau et des passions du lecteur, et que lorsque le moment arrive, ils portent l’action, ils portent le déroulement, puis le paroxysme, et qu’ils accouchent eux-mêmes de ce moment de grâce.
Ça doit être pour cela que les acteurs nous fascinent tellement : dans les moments les plus beaux, ils n’incarnent pas seulement leur personnage : ils se mettent à incarner quelque chose d’universel, quelque chose qui est plus qu’un concept et qu’une émotion, et qui embrasse les deux. Platon aurait peut-être dit « l’idée en elle-même », quoiqu’il serait révolté qu’on puisse l’atteindre par ce biais, qu’il considérerait comme une imitation d’une imitation (si par hasard un prof de philo me lit, qu’il me corrige si besoin). Moi je crois qu’au contraire, l’art peut nous révéler les vérités les plus profondes, au même titre que le rêve et parfois, la religion. C’est là sa seule fonction. Nous parler de nous-mêmes. Je lisais dans un site web sur les rêves que les rêves ne sont que le reflet de nos vies. Il en est de même pour les œuvres d’art. Ce que Platon ne semble pas avoir réalisé, c’est que parfois le reflet est plus réel que nos propres vies. La fameuse « apparence » tant décriée n’a que l’apparence d’une apparence. Elle fait semblant d’être une illusion. Et c’est en la croyant illusion qu’on se donne à elle sans condition, et qu’enfin on peut voir.

Pendant presque un an, j’ai été une bonne élève, en écriture comme dans tout le reste, comme d’habitude. J’ai suivi les instructions. Parce que je sais qu’il faut toujours apprendre avant de désapprendre, et parce que je voue une grande confiance aux écrivains talentueux. J’ai eu raison d’être une bonne élève. Mais aujourd'hui je suis ravie de dire que c’est terminé. Non que l’apprentissage soit terminé, ça ne l’est jamais. Mais « l’école », oui. Je vais cesser de penser systématiquement « efficacité » et « lecteur » pour mieux suivre mes instincts là où ils me conduisent. Le truc heureux avec le cerveau, c’est qu’une très grande partie de son savoir-faire est inconscient (même si le contenu de ce savoir a été assimilé consciemment) et qu’il agit sans décomposer l’action au moment de l’effectuer. Bref, comme quand on conduit, quand on parle couramment une langue étrangère, et ce genre de trucs. Donc je ne suis pas obligée de penser à tous ces trucs techniques pour écrire des bons bouquins. Parce que je crois que je commence à les sentir. Poser plus de questions devient néfaste.
Pour moi, l’écriture, ça a toujours été comme de faire de la magie. Comme se plonger consciemment dans un rêve sur lequel on aurait une maîtrise partielle. Ça demande tout une discipline mentale, mais ça devient de plus en plus familier. Comme un chaman qui invoque les esprits, et parvient de plus en plus aisément à franchir le seuil entre l’ici et l’au-delà. Écrire, c’est l’art de rêver. Mais aussi l’art de voir, ce qui est encore plus difficile. Voir n’est pas si aisé qu’on peut le penser. Il ne s’agit pas de mettre en scène ses fantasmes, de beaux chevaliers cheveux au vent, par exemple (même si ce n’est pas exclu, hein:). Ni de répéter ce qu’on a vu. Il s’agit de trouver sa propre vision. Une mise en scène non empruntée, non restituée comme le font les bons élèves (être un bon élève, j’en suis persuadée, n’a jamais demandé qu’une aptitude à recréer des schémas et une bonne mémoire ; je ne développerai pas ici même si j’en conviens, ça incite à la polémique). J’ai toujours été une bonne élève en écriture. Aujourd'hui j’ai envie d’aller plus loin. Si je me sens frustrée, c’est parce que la copie n’a jamais été à la hauteur de l’original. Sans blague ! C’est incroyable comme on peut passer à côté des évidences.

On ne donne sens aux choses qu’après coup. Quand on les vit, on se contente de les vivre, on réagit. C’est pourquoi je crois que les histoires sont vitales. Elles nous permettent de comprendre ce qui nous arrive. De faire que la vie soit autre chose qu’un chaos inextricable où l’on vit et l’on meurt, on souffre, on lutte, sans savoir ni pourquoi ni comment. Les histoires permettent de faire autre chose que de réagir. Elles permettent de penser. Je vais vous dire une chose : j’ai toujours été, du moins depuis que j’en ai l’âge, passionnée de philosophie. Certains textes m’ont renversée, Nietzsche, Hume, pour ne citer qu’eux. Mais ce sont les histoires qui m’ont tout appris. Elles n’ont pas besoin de discourir et de raisonner. Dans les histoires, il y a plus de silences que de mots. Car c’est dans le non-dit, dans les entre-lignes, que se lit la véritable histoire. L’action parle d’elle-même. C’est, j’y reviens, la situation, ce qu’elle débloque chez le personnage, les conséquences des événements, qui vont porter le véritable sens. Ce qu’il y a de plus beau dans une histoire, c’est ce qu’elle ne dit pas. Tout l’art est là, je crois. De tant dire en se taisant. Et pour cela, il faut savoir quand se taire. Là, on n’est plus dans aucun savoir-faire, dans aucun artisanat. C’est sans doute ça, qu’on appelle l’art. Cette touche d’inexplicable, d’indémontrable, dans ce qu’il y a d’impossible à apprendre.

Alors oui, en écriture, il y a beaucoup de choses à apprendre, une grande part de travail et d’exercice. Mais dire que cela suffit, laissez-moi le dire, c’est une énorme connerie, et en appliquant cette méthode, on n’aboutira qu’à des écrivaillons divertissants. Écrire quelque chose de grand, ce n’est pas forcément faire du Hugo. Si on redéfinissait la notion de « talent », les choses seraient plus claires. Je ne parle pas de génie, d’inspiration, ou je ne sais quoi. Mais vouloir rassurer les aspirants écrivains en leur expliquant qu’ils arriveront à tout en travaillant, c’est stupide et ça n’aboutit qu’à des piles et des piles de bouquins médiocres. Le fait est que l’art, c’est un tout petit peu plus compliqué. Je suis persuadée qu’on a pas pour autant besoin de révolutionner la littérature pour écrire un grand livre. Il suffit de savoir se taire au bon moment – ce que Hugo, d’ailleurs, ne savait pas faire.

Maloriel

vendredi 6 juillet 2012

Le webzine des Chemins de Traverse de nouveau en ligne

Ça y est, le site est en ligne! Encore pas mal de contenu à ajouter, mais vous pouvez d'ores et déjà retrouver le pdf du numéro 3, consacré aux rapports de la littérature et de la musique, qui comprend notamment un recueil de nouvelles signées Gwenaël Coray, Lionel Davoust, Elisa Dalmasso et Hans Delrue, ainsi qu'un article inédit de Maloriel, dans la rubrique Ustensiles de style.

Nous espérons que vous apprécierez le nouveau design... N'hésitez pas à reporter les bugs si vous en trouvez!

Pour visiter le site, c'est par ici :)

mercredi 4 juillet 2012

Itinéraire Bis, encore un chemin détourné

Amis Traverseurs,

Les mises à jour se font attendre et nous nous en excusons. Ces derniers mois, l'association a connu des remaniements profonds, tant de son équipe que de ses objectifs.
Qu'à cela ne tienne, nous reprenons du service. Nous espérons vous offrir dès à présent des mises à jour plus régulières et un contenu toujours plus pertinent.

L'occasion est donc particulièrement propice à vous annoncer LA grande nouvelle : la réouverture, dès vendredi, de Itinéraire Bis. Cela faisait presque un an que le site de l'asso était en stand-by... Nous espérons que son nouveau graphisme vous plaira! Vous y retrouverez les rubriques que, peut-être, vous connaissiez déjà, ainsi qu'une ou deux nouveautés... Restez connectés, donc :)

Maloriel et Kalys

dimanche 6 mai 2012

Maloriel sur Donner de la voix !

J'ai le grand plaisir de vous annoncer que vous pouvez écouter ma nouvelle À travers l'horizon sur le site Donner de la voix. L'appel à textes, c'était "Sur la route". Je vous souhaite une bonne écoute, n'hésitez pas à me donner vos impressions !

lundi 23 avril 2012

Écritures - Mémoires d'un métier, par Stephen King

La première chose qui me vient à l’esprit lorsque je pense à ce livre que je viens de refermer, c’est que je l’ai dévoré comme s’il s’agissait d’un roman – en moins de 24h, et encore, ça c’est pour les très bons romans. En fait, Stephen King ne nous dit pas comment écrire, mais il nous le raconte. Et de fait, en lisant ce livre, j’ai ri, souri (beaucoup) et même pleuré. Parce que bien plus qu’une leçon d’écriture, c’est aussi une leçon de vie. J’ai eu un peu l’impression d’écouter mon père, s’il avait été écrivain : par moment, on a juste envie de baisser la tête et d’acquiescer en silence, s’apercevant qu’on manque d’expérience. Ça fait du bien de se rappeler que parfois, on est juste un jeune con — et attention, ce n’est pas de l’auto-flagellation, simplement un moment formateur d’humilité.
Dans Écriture, Stephen King nous raconte comment il est devenu écrivain. Sachant ceci, j’avais d’abord hésité à acheter ce livre : les autobiographies, ce n’est pas mon truc, et franchement, Stephen King a beau être l’un des mes écrivains favoris, sa vie ne m’intéresse pas vraiment. Mais le quatrième de couverture de l’édition de Poche vend bien mal le livre : c’est beaucoup plus qu’une autobiographie. Car ici la vie de l’écrivain sert à mettre en perspective l’acte d’écrire, en nous montrant notamment le rapport inextricable qui lie l’art et la vie, comment l’un se nourrit de l’autre, et vice versa.
Ce n’est pas un manuel d’écriture. Pas de recettes. Certaines règles, oui, mais qui découlent uniquement du bon sens et de la pratique d’écrivain comme de lecteur, et non d’un savoir académique. L’un des messages de ce livre est extrêmement simple, et pourtant reste l’un des principes fondamentaux de toute démarche d’écriture : lire, écrire, pratiquer. En fait, King nous préconise de ne pas être pressé. De prendre le taureau par les cornes et de consentir à la longue lutte qui va s’ensuivre. Ne pas chercher de raccourcis, une sorte de « voie express » de l’écriture qui pourrait amener plus vite à la publication et au succès. Il n’y a pas de cours, pas de livres, pas de préceptes qui peuvent remplacer une longue pratique. Ça paraît évident, mais je crois que la grande majorité des jeunes écrivains sont confrontés au moins une fois dans leur vie à cette impatience et à cette fausse idée que ça ne prendra pas autant de temps à condition d’utiliser les bons outils.
Une autre leçon essentielle du livre, et tout aussi simple, c’est de dire la vérité. Et en effet, lorsqu’on veut parler d’une série ou d’un livre particulièrement réussi on dit souvent « c’est tellement vrai ! ». C’est pour cette raison, notamment, que King préconise de dire « aller chier » quand c’est la première expression qui vous vient à l’esprit, au lieu de dire « aller faire caca », ou « aller se soulager ». L’exemple est caricatural, mais ce qui est important, c’est de ne pas écrire des choses auxquelles on ne croit pas. Et je pense effectivement que l’un des immenses talents de Stephen King, c’est la réalité quasi-palpable de ses personnages avec lesquelles on entre en empathie, et qui rendent ses romans si prenants. Et c’est en suivant ce précepte (sans se croire obligé, comme Rousseau, à raconter la moindre humiliation) que King nous livre un portrait honnête de lui-même, et en le faisant, il force notre respect ; et cela donne beaucoup de valeur à ses paroles. Ce que j’admire le plus, je crois, c’est cette absence totale de désir de se mettre en avant, cette façon absolument dépourvue d’affectation dont il aborde même les sujets les plus graves, comme ses années d’alcoolisme. Ces passages, même s’ils ne visent pas cet effet, sont pour moi une grande leçon d’écriture1. C’est simple. Cruellement, tristement, pathétiquement simple.
Tout est simple, dans ce livre. Presque lumineux. Enlevez tout ce qui ne fait pas partie de l’histoire, ce qui ne sert à rien pour l’histoire. Ne soyez pas timides. Le lecteur doit comprendre tout seul vos intentions sans que vous n’ayez besoin de les leur expliquer (l’exemple de King est celui des adverbes qui agrémentent notamment les verbes déclaratifs : dans la plupart des cas, on ne devrait pas en avoir besoin, car le contexte doit nous indiquer la manière dont parle le personnage de manière suffisamment évidente). En fait, il aborde ce fameux show don’t tell, expression très à la mode en ce moment chez nous, et que j’avoue trouver plus complexe qu’elle n’en a l’air. Un des défauts du tell dont nous parle King, c’est l’utilisation à outrance de la voix passive. Pour lui, le fait que l’action ne soit pas effectuée directement par le sujet, mais subie est la marque d’une timidité de la part de l’écrivain, une mise en retrait, un manque d’engagement. De plus, cette utilisation correspond parfois à la recherche d’un style faussement élaboré, et donc, on y revient, à l’affectation. Il s’agit donc non pas d’expliquer, de décrire, mais de faire agir ses personnages, de donner de la vie au texte, en l’écrivant, si j’ose dire, franchement. Et là encore, le savoir ne sert strictement à rien si on n’a pas, comme dirait King, « les mains dans le cambouis ». Parce que les grands principes de l’écriture, on les connaît à peu près tous. Mais, bizarrement, on les applique peu. Tout simplement, une fois de plus, parce que ce n’est pas si facile.
En résumé, ce livre nous rappelle que l’écriture est une longue traversée sur un océan houleux, mais que c’est avant tout un plaisir. Et ce plaisir exige que l’on soit honnête, audacieux, curieux. Il aidera sans doute beaucoup d’écrivains débutants à se remettre sur les rails en cas de déprime, en nous rappelant que même des grands comme Stephen King ont eux aussi reçu des quantités de lettres de refus avant de publier pour la première fois. De plus, l’expérience de vie de King est instructive à plus d’un égard, car, comme il ne nous le rappelle, ce n’est pas la vie qui doit s’adapter à l’écriture, mais bien l’écriture qui soutient la vie. Et son expérience en est un superbe exemple, car c’est par l’écriture qu’il a survécu à ses cauchemars.

Et dire que j’ai trouvé ce livre chez un bouquiniste pour trois euros dix… Mais qui a bien pu vouloir le vendre ?! 

1J’ai lu ce livre en français, et je salue au passage le boulot du traducteur, William Olivier Desmond.

mardi 17 avril 2012

La chose


Ça avait commencé.
La chose était vivante. Lovée dans la chaleur humide de l'utérus, accrochée à la paroi, elle commençait déjà la lutte pour la survie. À peine une ébauche, et déjà elle montrait son acharnement à exister.
Être un ventre. Une fonction biologique. Un corps procréant. La chose à l'intérieur, la preuve implacable de la servitude organique. Une chose produisant une chose.
La gestation se faisait dans le plus grand secret. La chose grandissait, mais discrètement. Elle dormait et se nourrissait à l'intérieur, pompant les fluides à travers le tuyau. La chose était branchée dans une horrible intimité à ce corps vivant. La chose inconsciente accrochée à la chose pensante. Ignoble mariage.
Pour que le phénomène se produise, un autre mariage monstrueux avait eu lieu. Un organe mâle planté à l'intérieur. Une autre chose, peut-être pas pensante. Y avait-il un esprit à l'autre bout de ce corps agissant ? Le mouvement avait été mécanique, régulier, rapide, agressif, absurde. Une série de coups de boutoir butant sur le col de l'utérus. Forçant le passage pour y faire rentrer la graine. La graine qui allait devenir la chose.
Le temps passant, la chose commençait à se manifester. Elle bougeait dans le fluide chaud et poisseux. Son cœur battait comme une paire d'ailes minuscule. Ses doigts s'ouvraient et se fermaient. Sa tête était énorme.
Puis son corps devint plus fort. Ses jambes s'épaissirent. De la chair et des muscles rudimentaires se développèrent. Et la chose commença à cogner pour sortir.

La suite ici...

samedi 14 avril 2012

Les machines à bonheur, 21 portes sur l'au-delà

D'aucuns diront que le Traverseur n'a d'express que le nom. Mais ce serait une erreur, et bien qu'il ait fallu trois ou quatre semaines au lieu d'une, pour atteindre la prochaine étape, je vous ferais observer que par essence le Traverseur ne roule pas en ligne droite. Ainsi, nombreux ont été les détours et les découvertes impromptues, les songes entraperçus dans le secret des forêts, à l'heure où il ne fait ni jour ni nuit.
Et voilà qu'enfin il entre en gare, couvert de poussière et de gouttes de pluie. Embarquerez-vous?

Pour ma deuxième étape en terre "bradburyenne", j'ai lu Les Machines à Bonheur, The Machineries of Joy dans sa version originale, Les mécanismes de la joie dans la nouvelle éponyme (ce qui est quand même bien plus joli). Ce recueil compte 21 nouvelles, aussi il me sera impossible de rentrer dans le détail.
Rassemblés onze ans après Fahrenheit 451, ces textes dévoilent mieux qu'un roman les facettes multiples du talent de Bradbury. Abordant des genres et des styles extrêmement variés, ils nous baladent dans un univers surprenant, quelquefois suffoquant, souvent magique. Il y a de l'humour chez Bradbury, mais un humour un peu grinçant, qui prête à sourire mais fait quand même un peu mal. Par exemple, Jeunes Amis, faites pousser des champignons dans votre cave ! est une histoire amusante dans son absurdité, et terrifiante dans ses implications, bien qu'elle soit narrée sur un ton plutôt léger. Dans Presque la fin du monde, deux aventuriers de retour du désert découvrent que le monde a basculé dans l'hystérie après qu'une explosion solaire ait mis en panne l'intégralité des télévisions. On dirait bien que Bradbury s'amuse un peu avec les ecclésiastes déroutés des Machines à Bonheur, mais la question du voyage dans l'espace soulève bel et bien des interrogations métaphysiques.

Ce que je préfère, ce sont les nouvelles fantastiques, car ce sont des hymnes au rêve et à l'imagination, dans lesquels se déploient une sensibilité aux paysages naturels et oniriques, une poésie humaniste et universelle à la fois. Un miracle d'architecture est une ode au désert et aux mirages, ma favorite. Vacance raconte le souhait réalisé d'un jeune couple qui aimerait bien voir tout le monde disparaître, et se retrouve à traverser des États-Unis désormais vides de la moindre humanité, retournés à la nature et à la solitude glaçante des grands espaces. On ne sait trop quel cataclysme a frappé la terre dans L'abîme de Chicago, mais on se surprend à égrener avec le vieillard la liste poétique des objets disparus, abécédaire d'une vie médiocre devenue envoûtante du simple fait de n'être plus.

Il y a aussi La femme tatouée illustrée, matrone déifiée, muse et support d'une création aussi spectaculaire qu'invisible, et cet homme qui fabrique des dinosaures articulés pour l'industrie du cinéma et fait de Tyrannosaurus Rex sa chimère et son salut.

Je vous laisse avec un extrait de Celui qui attend, qui devrait mieux vous convaincre que mes digressions hésitantes:

Je vis dans un puits. Je vis comme une fumée dans un
puits, comme un souffle dans une gorge de pierre. Je ne
bouge pas. Je ne fais rien, qu'attendre. Au-dessus de ma tête
j'aperçois les froides étoiles de la nuit et les étoiles du matin
— et je vois le soleil. Parfois je chante de vieux chants de ce
monde au temps de sa jeunesse. Comment dire ce que je
suis, quand je l'ignore ? J'attends, c'est tout. Je suis brume,
clair de lune, et souvenir. Je suis triste et je suis vieux. Parfois
je tombe vers le fond comme des gouttes de pluie. Alors
des toiles d'araignée tressaillent à la surface de l'eau.
J'attends dans le silence glacé; un jour viendra où je
n'attendrai plus.

Ray Bradbury, Les machines à bonheur, 1965 pour l'édition française

jeudi 22 mars 2012

Du nouveau sur le blog Hell's Bells

Petite piqure de rappel : contrairement aux apparences, le projet Hell's Bells n'est pas mort :D

Il s'est même enrichi d'un nouveau texte - court, certes.

N'hésitez pas à aller voir, et surtout... à participer! Et si vous avez la moindre question, écrivez-nous :)

mardi 6 mars 2012

Kalys et Sophie Dabat dans Brins d'Eternité

Brins d’Éternité n°31
La revue québécoise Brins d’Éternité vient de sortir son nouveau numéro. Au sommaire, une nouvelle inédite de Sophie Dabat, intitulée Le sang de Locke, et un article de Kalys* consacré à Sophie Dabat, une auteure de l'hybride.

Entre autres réjouissances, bien sûr :)

C'est un bon canard, alors n'hésitez pas!

* Sous le pseudonyme de Lilia Kessens

jeudi 1 mars 2012

Fahrenheit 451 : une célébrité paradoxale

Chers Traverseurs,

Nous n’avons toujours pas fini de mettre en ligne les comptes-rendus des conférences auxquelles nous avons assistées aux Utopiales. La faute en revient à Kalys, qui rédige ce message en parlant d’elle à la troisième personne. Elle s’en excuse : les Chemins de Traverse demeurent une activité bénévole, qui parfois est amenée à passer au second plan afin de privilégier études, boulot, parents... Maloriel cependant parvient à concilier les deux activités, ce sera donc la bonne résolution de Kalys en cette année 2012.

Pardonnez-moi de continuer à la première personne, mais il y a déjà assez de voix dans ma tête, et je ne suis pas Alain Delon. Afin d’alimenter ce blog plus régulièrement, je vous propose dès à présent un petit aparté, et je déclare inauguré le Traverseur Express. A raison je l’espère d’une fois par semaine pendant, disons, un mois, je chroniquerai un roman ou un recueil de nouvelles de Ray Bradbury. Ceci dans le but d’enrichir ma culture personnelle, et la vôtre avec. Je sais que vous êtes des feignasses, ne faites pas les innocents.
Le Traverseur Express explorera bien sûr d’autres contrées par la suite.

Fahrenheit 451

Vous le savez sans doute déjà, le titre fait référence à la température nécessaire pour brûler des livres. On ne sait pas grand-chose du monde dans lequel se déroule cette histoire, sans doute parce que ses habitants eux-mêmes l’ignorent. C’est une société où l’on vit vite, et superficiellement. Les questions existentielles, les grands débats, les émotions, y sont suspects : ils ne font que vous embrouiller l’esprit et vous rendent malheureux. Mieux vaut se gaver d’images, entretenir des rapports artificiels avec des gens qu’on connaît à peine, et ne surtout pas réfléchir. Au point qu’au début du roman, Montag, pompier pyromane, ne sait même pas pourquoi il est si nécessaire de brûler les livres. Forcément, il n’en a jamais lu.

Mais ce soir-là, en rentrant chez lui, il rencontre Clarisse. Clarisse est un personnage un peu évanescent, qui aime marcher sous la pluie et cueillir des pissenlits. Elle pose des questions impertinentes et ne s’offusque de rien. Chaque fois qu’il la voit, Montag est saisi d’une sensation d’étrangeté, il décèle comme une autre idée du monde, il entrevoit un autre possible... Mais il n’arrive pas à mettre la main dessus.
Quand Clarisse disparaît, Montag ouvre la porte un peu plus grand, et tombe dans le vide.

Il vole des livres dans les maisons que lui et les autres pompiers détruisent, souvent avec leur occupant dedans. Il ne sait pas vraiment pourquoi, et ne comprend pas tout ce qu’il lit. Mais justement, son inaptitude à saisir les mots ne fait qu’exaspérer sa soif. Il essaie de convaincre sa femme, cette parodie d’être humain, que les livres doivent bien avoir quelque chose à leur apprendre. Il en dit trop à son supérieur, le capitaine Beatty, un homme ambigu, trop cultivé pour être honnête et pourtant impitoyable chasseur. Les mots, si longtemps étouffés, continuent de chuchoter sous la braise.

Avec 1984 de George Orwell, et parfois Le meilleur des mondes de Aldous Huxley, Fahrenheit 451 est l’un des seuls récits de science-fiction dont le grand public et les universitaires connaissent sinon l’intrigue, du moins le titre. On le fait même lire aux lycéens ! (sûrement plus pour longtemps). Adapté au cinéma par Truffaut et repris dans de nombreuses œuvres, Fahrenheit 451 appartient au patrimoine culturel occidental, si bien qu’on en oublie l’essentiel : il faut le lire.
Parce qu’avant même d’être un analyste de génie, Bradbury est un merveilleux conteur. Et parce qu’il parait paradoxal, voire dangereux, de croire connaître un bouquin qui parle de brûler les livres simplement en en ayant entendu parler.
Si vous avez aimé Equilibrium, vous aimerez Fahrenheit 451. Ce film s’en inspire amplement, et parvient à restituer une partie de l’émotion esthétique que procure le livre. Poétique, d’une grande richesse stylistique, et d’une modernité déconcertante (il a été publié en 1953!), ce roman pose l’éternelle question de l’utilité de la culture, et y répond avec un humanisme salutaire.

Ray Bradbury, Fahrenheit 451, 1953

samedi 25 février 2012

Atelier d'écriture : exemple de ratage!

La contrainte des vingt minutes est là pour obliger les participants à concentrer leur narration sur les détails essentiels... Ce n'est pas pour ça qu'ils le font :) Et voilà comment Kalys commence un texte sans jamais le finir, sur une consigne pourtant imaginée par elle.

Thème imposé : un magasin de jouets, une boîte de jeu intrigante, un gamin rentre, un bonhomme derrière le comptoir.

 *

Sylvain passait tous les matins, et tous les soirs, devant le magasin de jouet, parce que celui-ci se trouvait sur le trajet qui séparait l'école de la maison. A chaque fois, le petit garçon s'arrêtait devant la vitrine, même si ce n'était que pour une poignée de secondes. Il aimait particulièrement regarder le bateau pirate, avec ses canons en plastique qui tiraient de vrais boulets, à au moins vingt centimètres. Il le savait, puisque son copain Nicolas en avait un exemplaire. Il y avait aussi un tigre en peluche, que Sylvain se figurait être à taille réelle, et un étalage de jeux de société – mais comme il était fils unique, il ne pouvait qu'imaginer comment on y jouait. Tous les jours, il jetait au moins un coup d’œil, et repartait d'un pas plus léger, comme si envisager toutes les histoires qu'il pourrait créer avec ces jouets suffisait.

Ce soir-là, il faisait gris, mais pas trop froid, et Sylvain traînait des pieds parce que ses parents s'étaient disputés la veille, et qu'il n'avait pas très envie de rentrer à la maison. Arrivé devant la boutique, il s'immobilisa. On avait changé le contenu de la vitrine. Au milieu, trônait une grande boîte, autour de laquelle poupées et robots Transformers semblaient monter la garde. Le regard de Sylvain était tout naturellement aiguillé vers cette boîte. Sur la couverture, on pouvait lire : « Seul ou à plusieurs, défiez le dragon et remportez le trésor ». L'illustration montrait un groupe d'aventuriers se mesurant audit dragon. Sylvain sut tout de suite qu'il lui fallait absolument ce jeu, qui lui promettait des aventures épiques en solitaire. Ce serait plus marrant que de jouer tout seul aux Playmobil, c'était certain. Seulement, il savait aussi que pour convaincre ses parents, il faudrait qu'il connaisse le prix, et que celui-ci soit abordable.

Il n'était jamais rentré dans le magasin et avait un peu peur. Il n'y avait jamais personne dedans, ou alors des filles venues avec leur mère acheter des poupées, et toute cette féminité avec ses petits regards aigus et ses histoires incompréhensibles l'intimidaient. Il s'approcha toutefois, en mettant ses mains en coupe pour distinguer l'intérieur plongé dans la pénombre. C'était peut-être fermé. Les hautes étagères bardées de jouets paraissaient un peu menaçantes, comme des remparts du haut desquels tout ce petit monde l'observait. Il y avait au fond une alcôve un peu mieux éclairée, mais sinon, l'endroit paraissait désert. Une silhouette passa devant la porte et Sylvain sursauta. Puis la porte s'ouvrit, et un homme se pencha devant lui : « Alors, tu rentres ? » Le propriétaire se redressa, évoquant à Sylvain un serpent qui se déplie, et lui tint la porte ouverte.

vendredi 24 février 2012

Atelier d'écriture : qu'y fait-on?

Les Chemins de Traverse sont d'abord une association d'écriture. Preuve par l'exemple, avec cet extrait de la session du 12 janvier 2012.
Consigne : thème imposé par une série de mots tirés au hasard. Contrainte stylistique : procéder à une mise en abyme. Temps : vingt minutes.
Ce texte est l’œuvre de Clémence, qui en demeure entièrement propriétaire!

*

Garibaldi se leva ce matin là comme à son habitude lorsque les aiguilles de la grande horloge indiquèrent 06h15. Comme la plupart des centenaires, il avait le sommeil léger afin je pense de ne pas se laisser surprendre par la mort.
A son âge la seule activité qui le passionnait encore était de lire le journal. Il passait se journées à déchiffrer les petits caractères de son quotidien. Après avoir entièrement lu les nouvelles locales il déjeunait tranquillement. Le reste de l’après-midi était consacrée à la rubrique des chiens écrasés, aux colonnes humoristiques, aux jeux et bien sûr aux nécrologies. Lorsqu'il attaquait ces dernières pages il se préparait toujours un thé au citron accompagné d'un petit beurre. Contrairement aux autres personnes, Garibaldi aimait véritablement cette rubrique car les gens dépeins y étaient toujours sous leur plus beau jour.
Cette après-midi là, comme toutes les autres il entama sa lecture en croquant l'une des oreilles des son petit beurre. Il lu le premier article mais une impression étrange lui imposa une seconde lecture cette fois plus lente : "Garibaldi se leva ce matin là comme à son habitude lorsque les aiguilles de la grande horloge indiquèrent 06h15 ..." malgré son âge avancé il avait encore toute sa tête et il dut se rendre à l'évidence que cet article, avec ses très nombreux détails, parlait bien de lui. Il se dit alors que ce devait être une farce, manigancée par des amis qui connaissaient son goût pour la rubrique, sa réaction fût alors d'éclater de rire, d'un rire heureux et plein d'entrain. C'est ainsi que notre lecteur le plus dévoué nous a quitté.

jeudi 23 février 2012

Critiques ciné : Endhiran et Hideaways

Aux Utopiales, Clémence se fait reporter pour les Chemins de Traverse, et visionne pour nous de bien curieux films...

En ce vendredi 11 novembre, premier soir d'Utopiales 2011, Juliette et moi avons décidé de nous rendre à l'une des nombreuses séances de cinéma du festival. En feuilletant les pages du programme, nous sommes tombées sur Endhiran – Robot, the Movie de S. Shankar, avec deux immenses stars Rajinikanth et Aishwarya Rai. Le résumé a attiré notre attention: « Le professeur Vaseegaran dédie sa vie à la construction d'un robot d'apparence humaine, doté d'une intelligence et d'une force hors norme mais dénué de sentiments. Tel un nouveau né il va découvrir le monde qui l'entoure et va commettre des erreurs de jugements. »

Endhiran
Ce film date de 2010 et a battu tous les records d'entrées au box office indien. Parmi la foule qui grandissait devant la salle Dune, au sous-sol du Palais des Congrès, il y eu une sorte de mouvement de panique environ 10 min avant l'entrée dans la salle : le film en langue talmud était sous-titré en anglais, et durait 3 heures. Ces détails ont poussés certaines personnes à sortir de la file d'attente, mais pour notre part, nous avons gardé notre sang-froid et décidé de continuer pour voir cet ovni du cinéma.

Alors que nous étions, dans un premier temps, plutôt dubitatives, le film a su nous mettre à l'aise avec son style décalé. Effets spéciaux grandiloquents, dialogues mièvres, références directes au cinéma occidental (Terminator et Matrix notamment !), scènes chantées et dansées dans la plus pure tradition bollywoodienne et histoire à rebondissement se côtoient dans une parfaite harmonie délirante et ne peuvent laisser indifférent.

Certains diront que le film n'apporte rien à l'histoire de la science-fiction, ce sera peut-être vrai mais il n'en reste pas moins le tout premier film de science fiction indien à gros budget et une véritable réussite. Un film à voir entre amis au moins une fois et à revoir les jours pluie pour se donner la pêche!


Samedi, après avoir passé une grande partie de notre journée à boire du thé vert, manger des madeleines et chasser les nombreux festivaliers déguisés, Juliette et moi avons décidé de nous accorder une petite pause cinématographique. Notre choix s'est porté sur Hideaways de la réalisatrice française Agnès Merlet.

Hideaways
« Dans la famille Furlong, l'aîné de chaque génération est doté d'un pouvoir extraordinaire, pour le meilleur ou pour le pire. James, dernier de cette lignée, découvre la nature du sien lors d'un accident qui cause la mort de son père et de sa grand-mère.» 
L'enfant va grandir avec ce pouvoir qu'il tente de cacher en vivant au fond de la forêt et sera découvert par une jeune fille révoltée qui pense n'avoir plus rien à perdre.

Ce film m'a laissé impression d'un joli poème sans prétention, bien tourné, élégant et juste, sublimé par le décor naturel de l'Irelande où il a été tourné. A découvrir sans hésitations!

mercredi 22 février 2012

Interview : Fabien Clavel

Il y a quelques mois aux Utopiales, les Chemins de Traverse ont rencontré Fabien Clavel pour une petite interview, portant principalement sur Homo Vampiris. Le hasard nous a permis de la réaliser en collaboration avec Ceridwen pour Wikinews, chez qui vous pouvez lire la version complète.

(Nous avons reformulé nos questions - oral et écrit sont deux choses différentes :))

Comment aborde-t-on cette idée un peu galvaudée du vampire? Je te sais fan de Buffy  : qu’y as-tu trouvé d’inspirant et d’enrichissant pour le mythe du vampire ?

En fait  — pour répondre d’abord à la dernière question —, quand j’ai regardé Buffy, je connaissais très très peu les vampires. Mon modèle, c’est Buffy, je n’ai pas d’attraction particulière pour le vampire. Par exemple, Dracula, ce n’est pas un personnage qui me fascine, c’était vraiment la façon dont la série était construite, avec ce mélange de second degré et de thèmes très sérieux, très profonds, où justement il était allé au-delà aussi du vampire comme métaphore de l’adolescence, où vraiment toute la série, les sept saisons, sont construites dans Buffy comme une métaphore du passage à l’âge adulte. C’est pas juste « Je suis ado, je suis plein d’hormones, et ça va pas », c’est vraiment « je deviens adulte », et on voit les personnages trouver des métiers en cours de route. C’est ça qui m’intéressait vraiment. Surtout que moi, je l’ai regardé à l’âge où j’étais en train de devenir adulte ; je regardais ça, j’avais 18 ans, donc c’était vraiment pile au bon moment. Voilà ce que j’ai trouvé dans Buffy.

Ce que j’ai trouvé aussi, c’est ce côté second degré, passer de l’humour où on va vraiment rigoler, à des moments beaucoup plus tragiques, toute la richesse des histoires, etc. Buffy vraiment, c’est une source inépuisable de plaisirs et d’inspiration, parce qu’ils ont traité énormément de thèmes. Moi j’ai regardé la série cinq fois en intégrale, je pense que je vais la regarder encore, là je suis en train de finir la saison 5 d’Angel que j’ai vu aussi deux ou trois fois, donc ça c’est vraiment super, c’est un plaisir à chaque fois, et je trouve toujours de nouvelles choses.

Ce que j’aime aussi, au niveau de la construction narrative, c’est que c’est une série qui fait très attention à ce qu’elle raconte. C’est-à-dire que dès qu’il y a un élément qui est posé pour un personnage, on le suit. Donc ils ne l’ont pas posé au hasard, bien sûr, et on le réutilise. Et même trois, quatre, cinq épisodes plus tard, voire une saison plus tard, on va reprendre des éléments d’autres saisons. Rien n’est gratuit. C’est ça que j’ai aimé, c’était relativement rare dans les autres séries. J’ai bien aimé cette cohérence narrative.

Pour revenir à la première question, dans Buffy, ils ont fait quelque chose d’assez classique au départ, à part le côté « transformation en monstre », mais qui montre bien la dualité. Justement, moi j’ai pris ça un peu comme un défi. Dans Homo Vampiris, mon idée était de l’aborder de façon SF, c’est-à-dire de trouver une explication pseudo-scientifique — parce qu’à mon avis elle tient pas la route pour des vrais scientifiques —, en définissant le vampire comme un parasite. Il est lui-même investi par un parasite, qui le transforme physiquement, et qui lui donne ses capacités. Je l’ai projeté dans l’avenir, dans un monde où les problèmes écologiques sont importants, et le vampire était effectivement une métaphore de ce parasitisme, qui renvoyait au parasitisme humain qui est en train de pomper les ressources, et notamment le pétrole. Il y a beaucoup de passages dans le roman qui font des parallélismes entre justement l’exploitation du pétrole et le vampire qui suce le sang. Ce qui m’amusait moi, c’était de faire un renversement où les vampires, au lieu d’être des chasseurs ignobles, étaient eux-mêmes chassés, puisqu’ils étaient pris pour cibles par des — comment dire — des croyants millénaristes, qui voyaient dans les vampires des symptômes de la fin du monde, et qu’il fallait s’en débarrasser pour le combat pour les âmes. Ce sont tous ces éléments qui m’ont intéressés.

 Et il me semblait qu’un peu comme ça, je pouvais renouveler modestement l’approche du vampire, sachant que cela avait déjà été fait — dans Je suis une légende, on a déjà une approche scientifique, ça a dû être fait aussi à d’autres moments, mais bon — j’avais voulu donner cette approche là. Et au moment où le roman est sorti, on m’a dit « tiens, c’est de la bit lit ». Et dans mon esprit ça n’en était pas du tout. Donc je me suis dit après « tiens, je vais en faire de la bit lit » pour montrer ce que c’est, d'autant qu'un des buts que je me suis donné, c’est d’explorer tous les genres et sous-genres des littératures de l’imaginaire. J’ai une idée qui m’est venue, et là j’ai complètement changé ma mythologie vampirique.

Je suis parti sur le motif du miroir — d’où le titre, Le Miroir aux vampires [Fabien Clavel évoque ici le premier tome d'un récit pour la jeunesse, où s'affrontent vampires et stryges]. Je me suis aperçu que le miroir était très peu utilisé ; que c’était un motif qui revenait tout le temps, mais que personne n’avait développé à ma connaissance. Donc là, les vampires sont des créature plus ou moins magiques, ils sont moins morts-vivants — parce que le côté mort-vivant ne m’intéresse pas spécialement —, plus des créatures ophidiennes, et j’ai tout développé autour de ça.

Et cette fois par contre, j’ai respecté les règles de la bit lit : une héroïne adolescente ou en fin d’adolescence, qui raconte à la première personne dans ce qui ressemble à un journal intime, avec une romance — évidemment j’ai essayé de détourner un peu son fonctionnement habituel… Mais voilà, j’ai respecté les règles en faisant ma propre petite sauce de mon côté.

Homo Vampiris ne respecte pas tant que ça les règles...

Homo Vampiris beaucoup moins en effet. Mais avec lui j’avais vraiment envie de m’amuser, je voulais faire du thriller qui parte dans tous les coins, et donner surtout des pouvoirs différents aux vampires. C’est le côté rôliste… J’ai très peu joué à Vampire : la Mascarade, par exemple, mais j’ai retenu des jeux de rôle certains aspects narratifs : on a un groupe de joueurs avec chacun des caractéristiques différentes, et le groupe se complète. J’ai relié ça à mon explication de départ, où les pouvoirs sont en rapport avec le sang ; par exemple, le pouvoir de télékinésie, c’est un pouvoir qui est en rapport avec l’utilisation du fer présent dans le sang — même si, à mon avis, d’un point de vue scientifique, c’est indéfendable — mais… c’est rigolo, voilà. Dans ces cas là, il y a quand même une suspension de l’incrédulité…

Tu évoquais tout à l’heure le contexte politique et écologique de ce livre. Qu’est-ce que l’imaginaire peut apporter à ces thématiques ?

Je fais de l’imaginaire, je ne fais pas des romans réalistes, justement parce que je ne veux pas coller au réel. Ce que j’aime aussi dans une série comme Buffy, c’est qu’elle parle de problèmes quotidiens, mais toujours sous une forme détachée, c’est-à-dire que ça passe par le prisme de l’imaginaire. Un peu comme les contes nous parlent des relations familiales, nous parlent de choses parfois très difficiles, mais les petits enfants peuvent l’écouter, parce qu'eux ressentent plus ou moins la signification du conte, sans que ce soit traumatisant.
Pour moi, la littérature de l’imaginaire, c’est un peu la même chose : on peut parler de sujets très durs, de l’exploitation de la nature et de peut-être, à terme, la disparition de l’homme. D'après moi, ce sera mieux accepté si on le fait comme ça, ça permet non pas de délivrer des messages, mais de fantasmer un peu ces problèmes. Il y a un effet cathartique, où soi-même en l’imaginant, en lui donnant une forme narrative, on va pouvoir le considérer plus acceptable, en tous cas supportable. Et peut-être que le lecteur, en le lisant, va se poser des questions qu’il ne se posait pas avant. C’est un peu l’idée.

Je termine avec cette question : dans Homo Vampiris, on dépasse l’aventure particulière de Nina, il y a quelque chose qui traverse le temps. Crois-tu qu’il existe une transcendance ? Si oui, est-ce que tu penses qu’elle n’est pas dans l’humain ? Je me dis que finalement, ce qu’on cherche dans les vampires ou les super-héros, c’est justement un accès, une marche vers le divin…

L'un des thèmes constants de mon travail, c’est justement l’absence de divin. Tout est construit autour de ça, et de voir comment les hommes s’arrangent avec ça. J’ai conçu mes vampires comme des personnages qui s’opposent à la religion ; c’est pour ça qu’ils sont poursuivis par des religieux.
Pourquoi ? Parce qu’à partir du moment où ces êtres sont immortels, ils ne craignent plus vraiment la mort, ils n’ont plus besoin de la religion, qui apparait comme la consolatrice. Donc ils apparaissent pour les religieux comme l’antithèse de ce qu’ils sont, c'est pourquoi ils veulent les faire disparaitre. Ça, c’est la première idée.

Une fois que la peur de la mort a été éliminée, la religion est impossible, il n’y a pas besoin de dieu puisque on est tout seul, et en plus — c’est là que ça devient problématique, parce que pour moi c’est pas vraiment grave que l’on se passe de dieu, ça me semblerait plutôt une bonne chose —, pour eux, toute sublimation devient impossible, puisque — tel que c’est expliqué dans le livre —, c’est la peur de la mort qui pousse à pratiquer les arts, à s’engager politiquement, etc. Tous les vampires qui sont là, ils pratiquent tous plus ou moins un art, et ils échouent.
Vous avez, alors — j’ai oublié le nom de mes propres personnages —, celui qui est cuisinier, il le dit à un moment, il dit qu’il fait semblant, car il ne ressent plus vraiment les goûts...

C'est Marcus...

Marcus, merci, heureusement qu’il y a des gens qui ont lu le livre [rires].
Si on regarde Ashanti, lui, c’est un engagement politique, mais on sent qu’il n’y croit plus complètement. C’est la même chose avec la danseuse, qui s’appelle… je ne sais plus comment non plus, c’est pas très grave…

Fedora.

Fedora… ah, oui, d’accord… en plus c’est lié à Balzac… — la danseuse, c’est pareil, elle dit que quand elle danse, elle ne fait plus que répéter des gestes. 
C’est une idée qui m’est venue en regardant Angel, où on a dans la saison 4 si je me rappelle bien, la première apparition de Summer Glau — qui jouera après dans Firefly —, qui danse dans un théâtre et refait tous les soirs le même — car il y a un magicien qui l’y oblige — elle refait tous les soirs exactement le même spectacle. Fedora répète chaque jour le même spectacle, parce qu’elle n’arrive plus à faire mieux, elle répète mécaniquement quelque chose qu’elle ne ressent plus.

Tout était construit sur cette impossibilité de la sublimation. Et donc les vampires évidemment n’arrivent plus à être réellement humains, puisque en gros la sublimation c’est ce qui caractérise l’humain. Je me demande si je n’ai pas glissé une citation en cours de route — justement, le vampirisme, c’est la sublimation aussi, c’était vraiment mon postulat de départ dans le livre.

Du coup la transcendance, à chaque livre, elle est éliminée d’une manière ou d’une autre, ou en tous cas elle est problématique ; les hommes se débrouillent pour s’en débarrasser, ou luttent contre, ou on voit les problèmes que pose toute transcendance. Mais moi je reste vraiment du côté de l’humain. 

Pendant très longtemps dans mes premiers livres, je m’étais dit, je refuse de décrire le ciel, car je ne veux décrire que les trucs qui se passent au niveau du sol. Bon après j’ai laissé tomber, car c’était vraiment trop compliqué, et c’est toujours beau de décrire le ciel. Là, j’ai d’autres projets qui sont en route ; et à chaque fois, la figure de dieu va être soit éliminée, soit elle est absente, etc. C’est ce qu’on retrouve un peu dans une autre série qui est pour moi un peu dans la lignée de Buffy, en un peu moins bien, c’est Supernatural, où l’on retrouve ça quand il y a les anges qui apparaissent, à partir de la quatrième saison je crois. Les anges apparaissent, et ils se promènent, et justement on a le problème du dieu absent : personne n’a vu dieu depuis longtemps, personne ne sait où il est, personne ne sait sa volonté, et les anges se débrouillent comme ça. C’est un truc qui me parle moi, c’est un thème que j’aime, où, voilà : que fait l’homme sans Dieu ? et pour moi, il n’est pas forcément misérable, comme dirait Pascal — c’est pour frimer.

Un très grand merci à Fabien, et à Wiki, qui s'est chargé de la retranscription !

mardi 3 janvier 2012

Bonne année !

Espérant vous voir arpenter encore les chemins de traverse, et nous faire part de vos propres découvertes au fil de vos voyages imprévus, nous vous souhaitons une très belle nouvelle année!